Critique : Proposition sur l'aide au développement

Publié le par Média critique

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L’Union Européenne, le cœur sur la main

 

Mercredi prochain, les Pays Baltes, la République Tchèque et le Royaume-Uni vont proposer au Conseil de l’Union Européenne une résolution en matière d’aide publique au développement (ADP.)

Ils proposent d’abord de réaffirmer leur promesse à l’ONU de consacrer 0,7% de leur RNB à l’APD d’ici 2015. Ensuite, ils souhaitent annuler les dettes des pays les moins avancés (PMA.)

Enfin, ils développeraient un système d’échange international permettant à des étudiants de deuxième ou troisième cycles de s’engager dans des missions sans abandonner leurs études.

 

            L’engagement renouvelé de l’Union Européenne serait une bonne nouvelle pour les pays pauvres du monde. En effet, plus de la moitié des fonds qui leurs sont destinés en proviennent déjà. Cet engagement a su survivre à la crise puisqu’entre 2009 et 2010, 4,5 milliards d’euros supplémentaires ont été engagés dans l’APD.

Le principal atout de l’UE en la matière n’est pourtant pas sa générosité, c’est son efficacité. Elle est en particulier la spécialiste des programmes intervenant très localement dans plusieurs domaines à la fois. Cette efficacité, elle la doit à ses relations privilégiées avec de nombreux Etats et ONG mais surtout à son influence dans le commerce et la finance internationale.

Par exemple, dans le Malawi, entre 2010 et 2011, l’UE a réussi à améliorer à la fois la production agricole et la qualité de vie des malades du SIDA en permettant leur formation à de nouvelles techniques de production.[1]

La proposition des Pays-Baltes, de la République Tchèque et du Royaume-Uni collent aux objectifs de l’UE en la matière.[2] Il ne s’agit ni de néocolonialisme, ni d’interventionnisme, il s’agit avec l’accord des Etats, de traiter leurs faiblesses aux sources, dont les problèmes d’éducation, d’éradication des maladies, de réduction de leurs dettes, ou en matière de démocratie.

 

            En effet, un des premiers terrains d’action de la proposition est la réduction de la dette. Prenant acte de l’état de l’Union après arrivée de la crise, ces Etats s’interrogent sur la possibilité d’annuler les dettes des pays moins avancés (PMA) à la façon dont on a restructuré la dette grecque.

Curieux déjà que ce soit le Royaume-Uni qui nous propose ce remède après l’avoir si longtemps refusé à la Grèce…[3] Est-ce que la solution grecque aurait si bien marché qu’il faille l’étendre au monde entier ?

Et que devient la participation centrale de l’UE à l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) ?[4]

C’est un dispositif international en deux étapes permettant à des acteurs internationaux autres que l’UE d’alléger la dette des pays les plus pauvres. En raison de ses succès, il a été sans cesse renouvelé.[5]

Son principal avantage sur l’effacement pur et simple, c’est de responsabiliser les Etats surendettés. En effet, il y a de nombreux critères pour qu’un Etat devienne éligible à cet allègement.

Mais les Pays-Baltes, la République Tchèque et le Royaume-Uni ne s’en tiennent pas là et ils nous font en matière d’éducation une proposition très, très intéressante dans la ligne classique des actions de l’UE.

 

            Ils souhaitent créer un « échange humanitaire ». Des étudiants de l’UE partiraient dans des pays pauvres en échange culturel, ils rempliraient des missions humanitaires tout en poursuivant leurs études dans des structures construites sur fonds des Etats-membres de l’UE mais avec des entreprises locales.

Curieux. C’est peut-être la mesure la plus teintée de colonialisme qu’ils aient proposée et pourtant, elle est sympathique, bien construite et promet d’être efficace.

Comme on le lit sur le site de l’Union Européenne, « l’appui à l’éducation supérieure est nécessaire notamment pour assurer la bonne formation des professeurs et le développement institutionnel des pays. »[6]

 Mais depuis plus de dix ans, avec le Processus de Bologne, on se dirige en Europe vers une nouvelle vision de l’université. En France, par exemple, elle est passée par une loi d’autonomie des universités qui a fait de sérieux trous dans le budget des facs.[7]

Alors voilà la question qui se pose les Européens – et ce n’est pas une critique à l’encontre des pays auteurs de la proposition : pourquoi paierait-on la construction de leurs universités alors qu’on ne finance plus les nôtres ?

 

            La question est donc celle de la solidarité. Ces trois Etats proposent à l’Union Européenne de se montrer généreuse et solidaire. Pourquoi pas… Du moment qu’elle se souvient que charité bien ordonnée commence par soi-même.

Amélie Deleuze

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